dimanche 11 septembre 2022

Rétablissement de toutes choses (apokatastasis) Ac 3

Actes 3:19-21

19 Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés,  
20 afin que des temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu'il envoie celui qui vous a été destiné, Jésus-Christ,  
21 que le ciel doit recevoir jusqu'aux temps du rétablissement [apokatastasis] de toutes choses
dont Dieu a parlé anciennement par la bouche de ses saints prophètes d'autrefois.  

- Extrait article "le relèvement de l’infirme et la restauration d’Israël"1

Auparavant, Pierre, insistant sur l’ignorance des acteurs juifs de la Passion, leur adresse un vibrant appel au repentir. Leur conversion est en effet le préalable nécessaire à l’effacement des péchés (v. 19b : eis to exaleiphthênai humôn tas hamartias) et surtout à la venue des « moments de fraîcheur » (v. 20a : hopôs an elthôsin kairoi anapsuxeôs). À quoi peut bien faire référence cette expression unique dans le lexique néotestamentaire ? Tout le débat exégétique questionne inlassablement le rapport entretenu par cette expression avec la formule du v. 21 : « les temps de la restauration ». Toutefois, l’origine traditionnelle de ces deux hapax néotestamentaires paraît difficilement contestable et invite à ne pas trop presser leur signification.  

À notre avis, ces deux syntagmes ne renvoient pas à différentes phases du calendrier eschatologique, mais désignent tous deux la fin des temps – ouvert avec la Pentecôte et achevé au jour de la Parousie – dans sa portée salutaire pour Israël. 
[ndlr : Voir autre avis Notes BAN Actes 3,21]

La formule « les temps de la restauration de toutes choses » (v.21) mérite néanmoins plus ample examen.

Le terme apokatastasis rappelle en effet la question des disciples au Ressuscité qui chapeaute le livre des Actes : « Seigneur, est-ce maintenant le temps (en tôy chronôy) où tu vas rétablir (apokathistaneis) le Royaume pour Israël ? » (Ac 1:6). 
Dans les deux cas, il est très vraisemblablement question de « restauration », « rétablissement » d’un état initial aujourd’hui perverti ou disparu.

Dans la tradition prophétique et apocalyptique juives, les composantes historico-salutaires et cosmiques de cette restitution se superposent et se confondent souvent : rassemblement des douze tribus, jouissance de la Terre promise, restauration du royaume davidique, mais aussi recréation du ciel et de la terre (Jr 16:15; 23: 8; 24:6 ; Ez 17:23 ; Ml 3:23 (ou Ml 4:5) ; Es 62:1-5; 65:17; 66:22 ; Am 9:11-12 ; 1 Enoch 45:4-6; 96:3 ; 4 Esd 7:75 ; 2 Ba 32:6; 57:2).

Si on revient à l’usage lucanien de cette expression, on comprend désormais mieux sa fonction : tout comme le boiteux a recouvré son intégrité créaturale et socioreligieuse Ac 3:6-8 , de même aussi tout Israël est promis à pareil avenir s’il se convertit. Son salut eschatologique, tant historique que cosmique, dépend de son rapport au nom de Jésus.

Cette condition est explicitée aux v. Ac 3:22-23, et avec elle la face sombre qu’entraînerait un refus de cette offre de repentir. Ces versets se présentent comme une citation composite des Écritures, combinant plusieurs passages de Dt 18:15-19 LXX et Lv 23:29 LXX. Il devient ici clair que le prophète comme Moïse suscité par Dieu (i.e., le Christ Jésus) fonctionne désormais comme ligne de partage au milieu du peuple juif : tout comme la participation à l’Israël historique était ordonnée à l’obéissance de la Torah, l’appartenance au laos eschatologique est désormais conditionnée par l’écoute du dernier prophète.

En outre, réapparaît ici le terme frères adephoi (v. Ac 3:22a), utilisé dans l’adresse du discours pétrinien (cf. v. Ac 3:17) ; la solidarité fraternelle dont il était question en ouverture est ici soumise à une clause d’exclusion radicale en cas de non-repentance. 

En résumé, la parole de Jésus devient le critère unique, mais indispensable, de la restauration eschatologique d’Israël.

Refuser l’Évangile signifie se couper de la bénédiction divine et perdre irrémédiablement son statut de « fils des prophètes et de l’alliance » (v. Ac 3:25).

On le voit, cette deuxième période du discours pétrinien déploie avec clarté les enjeux ecclésiologiques de la guérison de l’infirme. Ce dernier est désormais le paradigme, l’emblème, de la réhabilitation  eschatologique, tant historique que cosmique, promise au peuple juif à condition qu’il se repente de ses méfaits et prête l’oreille au prophète comme Moïse. La recomposition du peuple, sa pleine réintégration dans ses droits, est à ce prix. Pour Luc, seul le Dieu qui a relevé Jésus d’entre les morts peut relever Israël de son « asthénie spirituelle » et l’intégrer à l’Église des temps derniers.

 

(1)  Actes 3,1-26 Le relèvement de l’infirme comme paradigme de la restauration d'Israël - Simon Butticaz (les soulignements sont ajoutés).


Aussi, si quelqu’un est dans le messie, il est une créature nouvelle. 
Les anciennes sont passées, et voici les neuves.
Oui, tout vient d’Elohîms qui nous a réconciliés avec lui par le messie 
et nous a donné le service de la réconciliation :
Elohîms était dans le messie, et il s’est réconcilié l’univers avec lui, 
ne leur imputant pas leurs écarts, mais plaçant en nous la parole de réconciliation.
Au nom du messie, nous sommes en ambassade. 
Par nous, c’est Elohîms qui appelle. 
Nous implorons au nom du messie : réconciliez-vous avec Elohîms.
2 Co 5.17-20 (traduction Chouraqui)
 
 
 
 

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